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从水之道而不为私焉
24 septembre 2012

Ecrire 2

Rêvez-vous d'entrer dans le vrai, le réel, et non plus seulement dans le virtuel? Comme apprendre la musique par exemple ? Apprendre le chinois contribue à ce désir.

Les explications que l'on peut donner, comme dans l'article précédent, sur l'écriture chinoise ne sont rien par rapport à la pratique. A moins du génie de personnes telles que François Cheng (Son livre "Et le souffle devient signe. Portrait d'une âme à l'encre de Chine", éditions L'iconoclaste) ou Jean-François Billeter (son livre "Essai sur l'art chinois de l'écriture et ses fondements" Editions Allia), de telles explications ne sont que théorie et ne représentent pas grand chose en vérité. C'est l'histoire célèbre du charron Pian, présentée par Zhuangzi, éminent penseur chinois de l'antiquité. Ce charron, excellent dans l'art de fabriquer des roues de char, qui ne savait ni lire ni écrire, rétorqua un jour au prince que les livres que ce dernier lisait "ne sont que la lie des anciens sages", c'est à dire ne représentent pas grand chose d'intéressant. Sommé de se justifier face à ce que le prince considérait comme un outrage, Pian répondit que sa fantastique maîtrise dans l'art de fabriquer des roues venait de son expérience accumulée, de son intuition dans le geste, sa sensibilité, et cette manière d'être dans "le dao" de cet art. Et il ajouta que malgré cela, il ne peut guère transmettre à son fils ce talent dont la maîtrise ne s'explique pas : la virtuosité qui naît d'une pratique intense ne s'explique pas par des mots. Ainsi, ce que les anciens sages ont écrit ne représentent qu'une infime partie de leur expérience. Le prince fut refait par la sagesse de Pian.

Encore une fois, la pratique est la seule manière de devenir un maître.

Nos langues occidentales permettent de seulement affirmer les choses. "Oui" est un mot trop souvent totalement disjoint du réel. La phrase "je suis un génie" que certains artistes prononcent sans état d'âme a généralement peu de chances d'être vérifiée dans les faits. La langue permet de nous séparer complètement du monde. C'est parfois très beau, parfois ridicule, absurde et même dangereux. L'écriture chinoise ne peut se séparer de ce qu'elle annonce, elle a été conçue pour cela, elle ne se sépare pas de la nature, ni de l'âme des choses qu'elle contient, un mot alphabétique se limitant souvent à seulement nommer les choses, limitant son contenu à la seule étymologie.

Le caractère san1 (trois) 三 : nous avons vu en classe que si le trait supérieur désigne le ciel et le trait inférieur la terre, que désigne alors le trait central ? Les réponses sont spontanément les suivantes : l'air, les nuages, les arbres, les montagnes, la vie, l'horizon. Il s'agit de très bonnes idées, mais ces réponses montrent que nous avons du mal, en occident, à nous intégrer nous-mêmes dans la nature . Ce trait intermédiaire qui fait le lien entre le ciel et la terre, c'est l'humain, tout simplement. Nous sommes nature et non l'être "supérieur" qui prétend tout dominer.

Dans cet exercice d'apprendre une autre écriture, et par cela, devenir soi-même quelqu'un d'autre ("Je veux être comme toi"), il existe un témoignage très riche, celui de Fabienne Verdier, dans son livre "Passagère du silence". Elle y raconte comment, jeune française, elle est partie seule en Chine s'immerger totalement dans l'apprentissage de la calligraphie chinoise, pendant 10 ans, avant de devenir une calligraphe renommée. Ce livre est disponible au CDI du lycée, dans le fonds "Chine".

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从水之道而不为私焉
  • Un blog de Frédéric Pauchot alias Bao Shoufei (bsf), prof de chinois. la Chine, comme toujours, le monde, vu d'un papillon, le papillon de Zhuangzi... Toutes les photos et textes sont de l'auteur, sauf mention contraire.
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