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从水之道而不为私焉
31 août 2012

La forêt des stèles

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(texte et photos F.Pauchot)

Xi'an est la capitale historique de la Chine (Pékin est une capitale « récente » : 1421). Nous l'avons gagnée par le train, en assis-dur, faute de meilleures places. Arrivés au petit matin dans la lumière blanche de la brume estivale de la Chine de l'est. Cette fois, j'avais réservé l'auberge de jeunesse par internet. Ce sera la dernière fois : pour les autres villes, pas d'auberges référencées chez Hostelworld.com, donc pas de réservation possible par le net. Il y a bien des numéros de téléphone d'hôtels donnés dans les guides mais j'ai une telle horreur du téléphone que pour la suite, on s'en remettra à ma bonne étoile.

Xi'an est le point de départ, -et le terme-, de la route de la soie. Xi'an, pendant des siècles, fut le lieu du métissage, de l'échange, du commerce. Commerce, échange, c'est yi en chinois, le yi de zhouyi (yijing) : la transformation. Xi'an est la négation de la « Chine éternelle » comme fantasme commode européen. La Chine c'est la fluidité, religieuse, alimentaire, des épices et des parfums, de l'art et de la musique. Le voyage qui s'y annonce en cet été 2012 sera bien une remontée dans le gouleyant métissage des genres. Le bingmayong (mausolée de l'empereur Qinshi huangdi), le « must incontournable » de Xi'an, est l'arbre qui cache la forêt chinoise, qui cache la forêt des stèles.

Certes, le bingmayong, finalement pas si bondé, mais qui reste néanmoins un délire bien chinois de tourisme mercantile à grand spectacle et surtout à « grande surface », commerciale s'entend, demeure un site passionnant. Si on arrive à oublier la brutalité du premier empereur, cet ensemble de statues est d'une beauté saisissante. Surtout, chaque statue est belle.

Dans cette capitale culturelle qu'est Xi'an, il y a le temple de l'oie sauvage. C'est là que Xuan Zang mourut après y avoir passé la fin de sa vie à traduire les sûtras bouddhistes qu'il avait ramenés d'Inde. Xi'an : tête de pont de la pénétration officielle du bouddhisme en Chine. En Chine-Chine, je veux dire.

Je l'avais visité en 2008, et résolus à faire le maximum de sites à pied depuis l'auberge et sur deux jours seulement, nous avons ignoré ce lieu, trop éloigné, et avons préféré nous rendre à la forêt des stèles, un musée bien chinois parce qu'un éloge vivant et brillant de l'écriture. En ce sens, Xi'an, tête de pont du métissage, reste capitale dans sa manière de célébrer l'âme chinoise, moins que Pékin, certes. Disons de façon plus discrète et donc plus raffinée. Centre d'empire, même avant l'empire, Xi'an ayant atteint le sommet de sinitude, devient par retournement yang-yin, le point focal du caractère fusionnel de la culture chinoise.

C'est là que je vis de mes yeux la fameuse stèle datée du 8° siècle qui atteste de la présence en Chine d'une Église nestorienne. Elle était là, visible mais non palpable, retenue derrière une vitre stupide et sale, éblouissante, et derrière laquelle il est difficile de bien lire les caractères. L'Église nestorienne en Chine : oui, ce pays est bien métissé depuis longtemps.

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Ci-dessus, la fameuse stèle datée de 782 et annonçant la présence de l'Eglise nestorienne en Chine. Découverte à Zhouzhi, à 80 kilomètres au sud ouest de Xi'an. Le nestorianisme, église schismatique de l'empire romain d'orient, et dont s'étaient entichés bon nombre de proches de Gengis Khan, pénétra en Chine bien avant cela, en 635.

Ci-dessous, au-dessus de la stèle, son titre : daqing jingjiao liuxing zhongguo bei (lire dans le sens classique : de haut en bas, de droite à gauche). Sens: "Stèle (commémorant) la propagation de l'Eglise nestorienne de l'Empire d'Orient en Chine" Notez ce sens pariculier de "daqing" ("Grande Chine"!!!), qui désignait à l'origine l'empire romain, dont les chinois Han avait connaissance de l'existence grâce à la route de la soie.

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Sur cette même stèle, la présence de l'écriture syriaque, celle des nestoriens.

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Ci-dessous : fu, le bonheur.

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Ecriture caoshu, "herbe folle", la cursive du chinois.

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Ci-dessous, shan1 gao1, la montagne est haute.

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Shou4, longévité.

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Ci-dessous, deux caractères isolés d'une stèle : à droite, ru, confucianisme et à gauche, "l'enfant sous un arbre" : prune, li. Li qui est aussi de nom patronymique officiel de Laozi.

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La pierre conserve la mémoire de l'écriture chinoise. Mais une mémoire active ! Ici, un calligraphe finit d'encrer au tampon une feuille de papier de soie préalablement fixée sur la stèle.

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Le feuille collée...

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Le calligraphe retire la feuille. Ce genre de document peut être vendu, et même relié. On les photographie également pour les assembler dans des livres de calligraphie vendus en grand nombre dans les librairies de qualité .On trouve abondamment ce type d'ouvrages qui constituent des modèles pour les calligraphes amateurs ou professionnels dans les librairies de Liulichang à Pékin notamment.

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Clair de lune à Xi'an. Les jeunes louent ici des rollers pour s'éclater sur la piste attenante sur fond de musique techno...

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Trace du passé cosmopolite de Xi'an, présence massive des musulmans à Xi'an. Il existe un quartier Hui et une grande mosquée dans le style chinois.

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Les musulmans, plus que les chinois, confectionnent pas mal de desserts sucrés.

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Sur le mur extérieur d'une mosquée à Xi'an.

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Ci-dessus : "Viande grillée arabe", (mai jia) alabo kaorou, c'est à dire "Kebab" ! (On peut lire parfois "Viande grillée de Turquie" tu'erqi kaorou)

Panneau vert, couleur de l'islam, calligraphie arabe et en dessous, quelques caractères chinois dans un graphisme arabe. Ci-dessous, à Pékin, du chinois en calligraphie tibétaine !

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La photo ci-dessous enseigne deux choses sur la culture chinoise : les chinois vivent entourés de caractères. Notre écrit occidental ne sort guère, lui, des livres ou des magazines et sa présence en ville est modeste en comparaison de la présence universelle et orgiaque des sinogrammes dans l'espace chinois. Cette photo a donc valeur symbolique. Et le deuxième enseignement est que finalement, la symbolique ne se distingue guère du réel ! Cette chinoise Hui est effectivement physiquement entourée de caractères ! Le réel et l'imaginaire ne se séparent pas dans la culture traditionnelle en Chine.

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Un voyage en terre de caractères complexes : après le cuan4 de Cuandixia , le "biang" sur la photographie ci-dessous, voici maintenant une

 

spécialité des ouighours, salars ou Hui, musulmans, les nang , caractère assez complexe également : Caractère comportant à droite l'élément graphique de son homophone qui signifie "parler avec le nez bouché", le caractère le plus complexe du chinois moderne :

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Ici, un cuisinier prépare des oeufs de caille pour les assembler ensuite sous forme de brochettes.

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Xi'an est une des (très) rares villes chinoises qui a conservé ses murailles anciennes. rappel : le mot chinois "mur" désigne également la ville. cheng2 城   comme dans chang2chang2 长城  (la grande muraille) et zi3jin4cheng2 紫禁城 (la cité interdite).

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从水之道而不为私焉
  • Un blog de Frédéric Pauchot alias Bao Shoufei (bsf), prof de chinois. la Chine, comme toujours, le monde, vu d'un papillon, le papillon de Zhuangzi... Toutes les photos et textes sont de l'auteur, sauf mention contraire.
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